Quel effet de la sécheresse sur nos cours d’eau?

Comme en 2018 et 2019, cette année s'annonce exceptionnellement sèche. Les députés du DP André Bauler et Gusty Graas ont donc posé quelques questions au ministre de l'Environnement.

« 2018 et 2019 figurent parmi les années les plus sèches de notre chronique météorologique. Depuis mars 2022, les eaux pluviales ont diminué de nouveau sensiblement par rapport aux volumes enregistrés aux printemps de 2020 et de 2021. De plus, les eaux pluviales de l’hiver dernier semblent avoir été insuffisantes pour combler les réserves en eau potable.

Voilà pourquoi nous souhaiterions poser les questions suivantes à Madame la Ministre de l’Environnement :

  1. Madame la Ministre peut-elle fournir des statistiques sur l’évolution des cotes des différents cours d’eaux du pays et sur celles des réserves du Lac de la Haute-Sûre depuis mars 2020 ?
  2. Au vu de la sécheresse actuelle, le Ministère de l’Environnement est-il disposé à prendre dès à présent des mesures préventives pour sensibiliser les consommateurs de toutes sortes à économiser de l’eau potable, en particulier au cas où l’on pourra bien s’attendre à une saison estivale sans pluies notables ? »

Réponse

  1. Madame la Ministre peut-elle fournir des statistiques sur l’évolution des cotes des différents cours d’eaux du pays et sur celles des réserves du Lac de la Haute-Sûre depuis mars 2020 ?

L’état des cours d’eau reflète en règle générale les données pluviométriques ainsi que l’état de la végétation. Les cours d’eau présentent de façon habituelle leurs plus bas niveaux d’eau entre août et octobre. Au cours des 20 dernières années, certains cours d’eau présentaient néanmoins de façon isolée le niveau le plus bas en mai ou en juin. Les petits cours d’eau peuvent en effet atteindre leurs niveaux d’eau annuels les plus bas dès juillet et le niveau d’eau a tendance à rester constant pendant l’été. Les sècheresses saisonnières, ainsi que des températures de l’eau estivales parfois très élevées peuvent mettre sous pression l’écosystème des cours d’eau au Luxembourg. De manière générale, les cours d’eau atteignent de nouveau des niveaux normaux en hiver. Les cours d’eau avec une connexion à des aquifères importants, comme le grès de Luxembourg, sont quant à eux marqués par un débit d’étiage constant. Ce débit dépend de la disponibilité de l’eau en provenance des sources d’eau souterraine, qui de son côté est fonction de la recharge de l’eau souterraine qui a lieu pendant la période hivernale (octobre à avril) des années précédentes. Par conséquent, les recharges de l’eau souterraine ont également un impact sur l’état des cours d’eau.

L’année 2020 a été l’année la plus sèche depuis les enregistrements systématiques des niveaux d’eau au Luxembourg (2002), encore plus sèche que les années 2018 et 2019, surtout dans l’Oesling mais également pour de nombreux cours d’eau du Gutland.

À titre d’exemple, la moyenne journalière du débit de la Sûre à la station de mesure de Bigonville s’élevait au moment le plus bas, fin septembre 2020, à seulement quelques litres par seconde, tandis que le débit moyen d’étiage (MNQ) pour cette station est de 349 l/s. À Kautenbach sur la Wiltz, la moyenne journalière la plus basse du débit ne représentait qu’un quart du débit moyen d’étiage. Dans l’Oesling les débits d’étiage minimals ont une probabilité de se produire dans un intervalle de 20 ans (temps de retour) , voire des périodes plus longues. Sur la partie amont de la Sûre et sur l’Our ont été enregistrés des temps de retour de 50 ans. À noter que les temps de retour sont basés sur des débits d’étiage en comparaison avec le VCN7 hebdomadaire.[1] Au sud du pays, l’Attert n’avait plus que 2/3 de son débit moyen d’étiage, ce qui correspond à un temps de retour de 10 ans tandis que l’Alzette, l’Eisch et la Mamer étaient légèrement en dessous de leur moyenne d’étiage, avec des temps de retour de 5 ans. La Mamer faisait exception avec un temps de retour de 20 ans.

En général, les cours d’eau étaient marqués en 2020 par des niveaux absolus très bas par rapport aux moyennes statistiques, avec un minimum fin septembre. En octobre et en novembre, les niveaux des cours d’eau se sont légèrement stabilisés en raison des précipitations survenues à ce moment. À partir de décembre les niveaux d’eau ont de nouveau atteint un niveau normal pour la saison.

L’année 2021 par contre était particulièrement humide et n’était pas marquée par des débits d’étiage importants.

Actuellement les cours d’eau ne sont pas marqués par des conditions exceptionnellement sèches. L’évolution future des débits dépend des conditions météorologiques des semaines à venir.

Les débits d’étiage sous forme du VCN7 hebdomadaire (depuis 2002 au Luxembourg) ainsi que l’évolution hebdomadaire actuelle peuvent être consultés sur le site des Commissions Internationales pour la Protection de la Moselle et de la Sarre (CIPMS)[2].

En ce qui concerne les eaux du lac de la Haute-Sûre, les cotes d’exploitation de la réserve d’eau du barrage d’Esch-sur-Sûre sont définies par une convention qui a été signée entre l’État luxembourgeois et l’exploitant de la centrale hydroélectrique le 3 avril 2003. Ainsi, la cote maximale du lac, fixée pour garantir la sécurité du mur du barrage, dépend du mode opératoire du barrage. Durant la période estivale (qui s’étend du 1er avril au 31 octobre), le barrage joue un rôle de sécurisation de l’approvisionnement en eau potable et la cote maximale à respecter est alors de 320 mètres (NMM[3]), tandis que durant la période hivernale (qui s’étend du 1er novembre au 31 mars), le barrage joue un rôle de protection contre les inondations avec une cote maximale de 317 mètres (NMM).

Depuis avril 2022, le niveau du lac est plus au moins stable autour de 319 mètres et commence doucement à s’abaisser. Actuellement (mi-juin 2022) la côte est de 318,6 m et correspond plus ou moins à la moyenne à long terme pour ce mois. Seul pendant les années 2017, 2014 et 2011 ce niveau était nettement inférieur.

Il faut cependant noter que le niveau d’eau actuel du lac de barrage d’Esch-sur-Sûre ne permet pas de tirer des conclusions sur l’évolution de son niveau pour le restant de l’année. L’évolution future du niveau dépend des conditions météorologiques des semaines à venir.

  1. Au vu de la sècheresse actuelle, le Ministère de l’Environnement est-il disposé à prendre dès à présent des mesures préventives pour sensibiliser les consommateurs de toutes sortes à économiser de l’eau potable, en particulier au cas où l’on pourra bien s’attendre à une saison estivale sans pluie notables ?

Les pointes de consommation d’eau potable sont surtout constatées lorsque les températures avoisinent ou dépassent les 30°C pendant une période de plusieurs jours consécutifs. Une combinaison de températures chaudes avec une période de sècheresse prolongée accentue encore davantage l’effet des besoins de pointe. Afin d’alerter la population lorsqu’une période de fortes chaleurs avec un risque de sècheresse s’annonce, une phase de sensibilisation en vue de réduire la consommation en eau potable aide à rendre attentive la population sur le fait de toujours bien veiller sur cette ressource précieuse et de l’utiliser avec parcimonie. Une telle phase de sensibilisation a été lancée en date du 16 juin 2022, dans laquelle les communes et la population ont été appelés à ne pas gaspiller l’eau du robinet et à limiter les consommations aux besoins les plus essentiels.

Il est à noter qu’actuellement les niveaux des ressources en eau souterraine ainsi que des réserves dans le Lac de la Haute-Sûre sont suffisants pour pouvoir alimenter la population pendant les mois d’été, et ce même en cas de forte consommation. L’augmentation des capacités de traitement du SEBES de 72.000 à 110.000 m3/j a en effet permis d’améliorer la disponibilité des ressources d’eau potable auprès des communes syndiquées. Il est toutefois à noter que l’augmentation des capacités de traitement du SEBES n’a pas d’effet bénéfique pour les communes autonomes qui ne sont pas reliés au réseau du SEBES. De plus, à cause de la forte croissance économique et démographique lors des dernières années, les infrastructures d’eau potable au niveau communal ne sont pas toujours adaptées à la forte demande en eau potable pendant les périodes de consommation de pointe. Pour atténuer cet effet et pour éviter au maximum que les communes soient contraintes de déclarer des phases orange (pénurie eau potable) voire rouge (aggravation pénurie eau potable), la population est sensibilisée d’économiser l’eau potable pendant les mois d’été et de façon générale. (https://eau.gouvernement.lu/fr/actualites.gouvernement%2Bfr%2Bactualites%2Btoutes_actualites%2Bcommuniques%2B2022%2B06-juin%2B16-precaution-secheresse.html) Indépendamment de la situation météorologique, le Ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable et l’Administration de la gestion de l’eau conseillent toujours d’utiliser les ressources en eau de manière responsable et d’éviter tout gaspillage d’eau potable. Le gouvernement luxembourgeois a adopté une stratégie à long terme afin de garantir la sécurisation de l’approvisionnement en eau potable qui se base sur 3 piliers interconnectés (1. Protection de la qualité des ressources en eau, 2. Économies d’eau potable, 3. Création de nouvelles ressources), dont le 2e pilier se consacre précisément aux potentiels d’économie d’eau dans les secteurs ménage, industrie et horticulture.


[1] VCN7 hebdomadaire: le VCN7 hebdomadaire correspond à la plus faible des moyennes arithmétiques calculées sur les 7 jours consécutifs de la semaine écoulée

[2] http://www.iksms.de/servlet/is/2000122/ et http://www.iksms-cipms.org/servlet/is/2000902/

[3] NMM = Niveau Moyen de la Mer

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