Violence domestique – comment pouvons-nous aider les victimes ?

La violence domestique est également un problème répandu au Luxembourg. Plus de 30 % des habitants de ce pays ont déjà subi des violences. Les campagnes cherchent à attirer l'attention sur le sujet et assurer la prévention. Mais où les victimes peuvent-elles trouver de l'aide ? Quels moyens sont à leur disposition ? Et que fait-on pour empêcher les auteurs de recourir à la violence ? Notre député Carole Hartmann s’est informé auprès des ministères responsables

« Ce mardi 4 octobre 2022, le Parquet de Luxembourg a informé par communiqué sur un cas de violence domestique ayant conduit à la mort d’une femme de 20 ans. Le conjoint de la victime et auteur présumé aurait utilisé un marteau pour infliger les blessures mortelles à son épouse.

Selon un article du Luxemburger Wort de mars 2022, environ 30 % des personnes vivant au Luxembourg auraient subi des violences au cours des cinq dernières années. Un article de la publication ‘Delano’ du 11 juillet passé, a indiqué que deux tiers des femmes au Luxembourg subissent des violences au cours de leur vie.

Selon la réponse à la question parlementaire 5800, une moyenne de 48 femmes attendent une place dans un centre d’accueil classique. Il existerait pourtant pour les victimes, l’option d’un logement temporaire dans des chambres d’hôtel. En revanche, le travail avec les auteurs des violences serait également un pilier essentiel de la prévention et de la lutte contre la violence domestique.

En novembre 2021, le MEGA, en coopération avec ses partenaires, avait lancé des campagnes de sensibilisation, telles la campagne “Gewalt kënnt net an d’Tut”, les communications « Huel dech mam Kolli, net deng Kanner » et le lancement d’un auto-test confidentiel pour identifier des relations à risques ou abusives.Dans ce contexte, j’aimerais poser les questions suivantes à Madame la Ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes et Madame la Ministre de la Justice :

  • L’homicide conjugal, parfois appelé « uxoricide » ou « maricide », n’étant contrairement au « parricide » pas explicitement visé dans le Code pénal luxembourgeois, Madame la Ministre de la Justice estime-t-elle opportun d’ajouter ce terme au Code pénal ? Dans la négative, pourquoi ?
  • Madame la Ministre de la Justice peut-elle fournir des chiffres sur les affaires d’homicide conjugal, respectivement de coups et blessures sur un/une (ex-)conjoint(e) ou (ex-)partenaire qui ont été poursuivies au Luxembourg au cours des dix dernières années ? Quelles ont été les sanctions pénales prononcées dans les affaires clôturées ? Y a-t-il des récidivistes parmi les auteurs ?
  • Qu’est ce qui est fait pour prévenir la récidive chez les auteurs de violences domestiques ? Comment les victimes peuvent-elles être protégées en cas de rencontres futures avec les auteurs ?
  • Combien de personnes victimes de violences domestiques ont dû attendre une place au sein d’une structure d’accueil au cours des cinq dernières années ? Combien sont actuellement en attente d’une telle place ?
  • Où ces personnes habitent-elles en attendant ? Combien ont été et sont actuellement logées dans un hôtel ? Quels étaient les coûts liés à des séjours d’hôtel temporaires pendant les cinq dernières années ?
  • Existe-t-il des projets pour augmenter l’offre de places disponibles pour les victimes de violences domestiques ?
  • Combien d’auteurs de violences ont été pris en charge par le service ‘Riicht eraus’ de la Croix-Rouge et le programme ‘Ee Schrëtt géint Gewalt’ d’Inter-Actions pendant les cinq dernières années ?
  • Est-ce qu’une augmentation de demandes d’aide a pu être constatée depuis l’introduction du questionnaire ‘relation2test’ ? Combien de fois le site a-t-il été visité ? Est-ce que le nombre de demandes correspond aux résultats issus du questionnaire ? »

Réponse

Conscient du fait que la violence domestique reste une réalité quotidienne au Luxembourg, le gouvernement s’investit tous les jours pour briser le tabou qui entoure le sujet, pour renforcer le dispositif de prise en charge de victimes et d’auteur-e-s de violence domestique et pour inciter un engagement sociétal visant l’élimination de toute forme de violence. Chacun et chacune doivent prendre leurs responsabilités pour faire de la lutte contre la violence domestique une routine quotidienne.

En se basant sur une approche multidimensionnelle, la stratégie gouvernementale pour renforcer le dispositif de protection contre la violence domestique, présentée le 12 novembre 2021, confirme cette volonté. 

A l’heure actuelle, les coups et blessures volontaires contre le partenaire sont punis d’un emprisonnement de six mois à cinq ans (au lieu de huit jours à six mois en l’absence de circonstance aggravante tenant à la qualité de l’auteur respectivement de la victime). S’il en résulte une maladie ou une incapacité de travail les peines sont d’un an à cinq ans (au lieu de deux mois à deux ans). Si les coups et blessures ont causé la mort sans l’intention de la donner la sanction est la réclusion criminelle de vingt à trente ans (au lieu de cinq à dix ans).

Les infractions de meurtre et d’assassinat (meurtre commis avec préméditation) sont punies de la peine maximale de réclusion à vie, sans égard au genre de la victime. L’introduction d’une infraction d’homicide conjugal ou d’uxoricide n’aurait ainsi pas de portée juridique sur ces crimes, en particulier sur la peine.

Le projet de loi n°8032 prévoyant une circonstance aggravante générale pour les crimes et délits commis en raison d’un mobile fondé sur un motif de discrimination prévu à l’article 454 du Code pénal pourra prendre en compte juridiquement l’homicide conjugal. En effet, ce projet de loi permettra aux juridictions de retenir qu’une personne a été tuée en raison de son sexe, ce qui résultera en une aggravation de la peine des infractions étant punies d’une réclusion à temps, dont les coups et blessures volontaires.

Concernant le nombre d’affaires d’homicide conjugal, respectivement de coups et blessures sur un/une (ex-)conjoint(e) ou (ex-)partenaire poursuivies, les rapports du Comité de coopération entre les professionnels dans le domaine de la lutte contre la violence renseignent les chiffres suivants :

2021 : 1420 dossiers ouverts (1212 auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ; 208 auprès du tribunal d’arrondissement de Diekirch)

2020 : 1622 dossiers ouverts (1313 auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg; 309 auprès du tribunal d’arrondissement de Diekirch)

2019 : 1692 dossiers ouverts (1393 auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg; 299 auprès du tribunal d’arrondissement de Diekirch)

2018 : 1471 dossiers ouverts (1191 auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg; 280 auprès du tribunal d’arrondissement de Diekirch)

2017 : 777 dossiers ouverts (594 auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg; 183 auprès du tribunal d’arrondissement de Diekirch)

2016 : 812 dossiers ouverts (683 auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg; 129 auprès du tribunal d’arrondissement de Diekirch)

2015 : 885 dossiers ouverts (706 auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg; 179 auprès du tribunal d’arrondissement de Diekirch)

2014 : 957 dossiers ouverts (790 auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg; 167 auprès du tribunal d’arrondissement de Diekirch)

2013 : 923 dossiers ouverts (739 auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg; 184 auprès du tribunal d’arrondissement de Diekirch)

2012 : 892 dossiers ouverts (695 auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg; 197 auprès du tribunal d’arrondissement de Diekirch)

Les informations précises relatives aux sanctions prononcées ne peuvent néanmoins être retracées que pour les années 2019 et 2020. En effet, le système informatique de gestion de dossiers JuCHA, qui n’a pas été créé en vue de pouvoir fournir des analyses criminalistiques ou statistiques, n’est pas à même de fournir tous les chiffres demandés, notamment ceux relatifs au nombre d’auteurs récidivistes.

Les tableaux ci-dessous renseignent les sanctions pénales prononcées pendant les années 2019 et 2020.

Nombre de condamnations pour les articles et conditions définies selon la nature de la peine

Nombre d’amendes par montant (en euros)

Détails des peines privatives de liberté

La prise en charge des auteur-e-s est un pilier essentiel de la lutte contre la violence domestique : la loi modifiée du 8 septembre 2003 sur la violence domestique prévoit l’obligation, pour les personnes expulsées de leur domicile, de se présenter auprès du service prenant en charge les auteur-e-s de violence domestique Riicht Eraus. Le but de cette obligation est de responsabiliser les auteur-e-s pour leurs actes et de les accompagner vers un changement de comportement non violent, un élément clé dans la prévention de récidives. Depuis 2017, le Riicht Eraus a traité ainsi plus de 2200 dossiers d’expulsions et de dossiers regroupant les autres voies d’accès (volontaire, sursis probatoire, liberté provisoire, contrôle judiciaire, avertissement, jugement, injonction du tribunal de la jeunesse).

Porté par la volonté de développer le dispositif de prise en charge d’auteur-e-s de violence domestique, le ministère de l’Egalité entre femmes et hommes (MEGA) a soutenu l’élaboration, sous la forme d’un projet-pilote, du programme de formations pour auteur-e-s de violence dénommé « Ee Schrëtt géint Gewalt » d’InterActions. Ce projet n’a pourtant pas su attirer un nombre de participant-e-s suffisant pour pouvoir être soutenu dans la durée. Pour plus d’informations sur le projet « Ee Schrëtt géint Gewalt », il est renvoyé à la réponse à la question parlementaire n°5836.

En ce qui concerne le logement de victimes de violence domestique, il convient tout d’abord de rappeler que l’objectif principal d’une mesure d’expulsion est de maintenir la victime dans son environnement et logement habituels tout en en éloignant l’auteur-e. Toute victime de violences domestiques, qui a besoin d’un logement d’urgence, est évidemment prise en charge par le réseau de partenaires du MEGA qui gèrent des structures d’accueil assurant l’hébergement de femmes et hommes.

Actuellement, les sept centres d’accueil classiques pour femmes en détresse disposent d’un total de 166 places et l’association Info Mann dispose de 15 places pouvant accueillir des hommes en détresse. En termes de capacités disponibles, il convient de soulever qu’en moyenne une cinquantaine de femmes figurent sur la liste d’attente commune gérée par les différents gestionnaires du MEGA depuis 2021. Il s’agit là de femmes avec ou sans enfants, victimes de violence domestique, de femmes ayant de problèmes familiaux ou de logement et de femmes en détresse. Notons toutefois que les victimes de violence domestique ont un accès prioritaire aux logements disponibles et que les gestionnaires du MEGA disposent, en plus, de chambres d’urgence dans leurs foyers et de logements de deuxième phase pour accueillir des femmes ayant besoin d’une prise en charge urgente. Toute victime de violence est prise en charge. C’est dans cette optique que le MEGA prend en charge, de manière exceptionnelle, les frais de chambres d’hôtel afin d’y loger temporairement des victimes de violences ayant besoin d’une prise en charge immédiate. Cette solution a surtout été mise en œuvre en cas de surpopulation des structures d’accueil d’urgence lors de la crise sanitaire liée à la Covid-19. Ainsi, 46 femmes et hommes ont séjourné de manière temporaire dans des hôtels pour un montant de € 104338,80. Pour de plus amples informations par rapport aux logements disponibles, il est renvoyé à la réponse à la question parlementaire n° 5800. Le questionnaire « relation2test », financé par le MEGA, est un outil facile permettant au grand public de tester ses relations et d’identifier des facteurs à risque pouvant mener à des situations de violence. Le fait que plus de 4000 personnes ont fait le test depuis son lancement en octobre 2021 démontre la plus-value et le succès de cet outil, même si aucune corrélation entre l’utilisation du questionnaire et le nombre de demandes de prise en charge n’a pu être établi.

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